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Capter et programmer des ciels à Tel Aviv

 

Construire à Tel Aviv, c’est initier un nouveau quartier de Tel Aviv. C’’est témoigner d’un esprit architectural de modernité, capable de donner une image de la ville comme d’autres l’on fait dans les années trente ou cinquante.

 

Cette image, elle se découvrira depuis la voie automobile rapide Geha, l’une des voies périphériques les plus fréquentées de l’agglomération. Ce sera d’abord une silhouette, une skyline caractérisée par des toitures horizontales et acérées à différentes hauteurs, dont les rythmes créent la sensation d’un véritable quartier, dominé par une tour au profil étonnant, signe identitaire du nouveau centre d’affaires lisible de très loin. L’ensemble architectural est plutôt blanc, on peut deviner un lignage de verre, qui crée différentes diffractions de lumière sur des pans entiers en fonction de l’orientation, ou sur des éclats linéaires en relation avec l’inclinaison de lames de verre. Ces lames se colorent pour dessiner de grands logos qui annoncent à la ville entière la présence des entreprises. De nuit, cet ensemble est flou, seules les enseignes sont nettes. Ce jeu sur l’immatérialité existe 24h sur 24, il est la première caractéristique du nouveau lieu.

 

Quand on se rapproche, on découvre que ces grands murs de lames de verre sont doubles. Ces lames blanches de verre sérigraphiées protègent des murs épais. Le rez-de-chaussée, sous pilotis, est une accumulation de petits volumes colorés – abritant commerces divers, restaurants – et transparent – entrées d’immeubles –. Entre ces petites architectures, on découvre un paysage végétal, arbustes verts et fleuris à l’ombre d’arbres de hautes tiges (eucalyptus, oliviers). Et l’on peut désirer entrer, pour découvrir ce jardin intérieur. L’ensemble architectural impose une cohérence au milieu d’un quartier en devenir. Il donne le ton pour un futur proche.

 

Mais la surprise est à l’intérieur de l’espace. Si vous arrivez en voiture, le parking souterrain est troué de patios plantés, points de repères pour le visiteur qui découvrira à travers les arbres des jeux de brillance où se mélangent ciel, architecture et végétation. Le jeu devient très clair pour le piéton qui vient de la rue, pour le visiteur qui accède aux bureaux par les ascenseurs partiellement vitrés : des façades miroirs de différentes géométries orthogonales, différentes tailles, prennent de multiples inclinaisons et font s’interpénétrer, se superposer le ciel, les arbres, le sol et les rythmes architecturaux, mélange de brillances et d’ombres, de bleu ciel et de vert profond, ponctués de tâches multicolores. Héritage des décompositions cubistes et des superpositions surréalistes. Virtuelle recomposition du réel. Ce lieu est en contraste absolu avec la ville qui l’enserre. C’est comme une oasis. L’eau est présente de manière symbolique…

 

Les débords de toitures, à la fois brillants et perforés, créent de l’ombre sur les fenêtres des bureaux. On comprend alors qu’il s’agit d’un empilement d’immeubles indépendants et interférents. De temps en temps, une enseigne derrière le miroir vient rappeler à qui appartient l’immeuble. La majeure partie des miroirs est dans l’ombre, mais, par réflexion, la lumière s’y installe. De nuit, cet espace devient complètement mystérieux, des jeux de lumières à peine identifiables créent des profondeurs et des rythmes, des corps uniques pour les terrasses des restaurants du jardin intérieur. Sur un plan symbolique, les différentes façades miroirs fonctionnent comme des écrans programmés par le temps et les heures ; les lignes de bardages et les trames des fenêtres comme des références à la pixellisation et aux tableaux informatiques.

 

La modernité est liée à la question de la permanence et la fugacité, de la fulgurance de certaines lumières dans le déplacement des visiteurs : l’architecture essaye aujourd’hui de capter l’instant dans des dispositifs pérennes. Réfléchir les cieux de Tel Aviv sur des écrans architecturaux, dans une oasis de lumière et de verdure, tel est le concept de ma proposition.

 

 

 

Jean Nouvel