Hôtel Belfiore

  • Florence, Italie
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Construire à Florence !

 

Il est quelques villes où l’idée de l’architecture est si parfaite que la seule hypothèse d’aller s’y confronter serait décourageante…
Et pourtant ! C’est bien ici plus qu’ailleurs qu’il ne faut pas capituler. C’est bien ici que l’on ne peut avoir aucune prétention, mais qu’on se doit d’avoir un minimum d’ambition !
Cet hôtel doit être un témoin de l’architecture du début du XXIe siècle. Cet hôtel doit savoir qu’il est à Florence et accepter le terrain de l’architecture !
Il nous reste à apprécier la distance à parcourir entre l’architecture hôtelière du XXIe siècle et Brunelleschi ou Alberti !

 

J’ai la conviction que ce programme peut, à cause de ceci et de cela, avoir un impact notable sur l’idée d’un hôtel dans une ville historique, si l’architecture d’aujourd’hui y est symbolisée. Voilà pourquoi la proposition qui suit implique quelque radicalité.

 

Le contexte, s’il a des avantages de situation indéniables, a aussi ses faiblesses, celles de ses nuisances sonores et d’une architecture environnante sans qualité. D’où un projet de splendide isolement. Isolement ne veut pas dire absence, ni difficulté d’accès ou de dialogue ; isolement veut simplement dire attitude singulière, introvertie, en l’occurrence accueillante et attractive par son mystère, mais non basée sur la sollicitation ni le bavardage avec les voisins.
Le terrain est construit sur son périmètre. Un mur de 15 mètres de hauteur protége « quelque chose ». Ce mur est percé de quatre portes. Il est végétalisé en épaisseur (environ 1,50 mètre). Ce mur traduit une présence cachée et protégée.
C’est l’instrument du premier désir : celui d’entrer. Encore faut-il être client ou visiteur de l’hôtel ! Car pénétrer est ici un privilège. À l’intérieur, le mur devient superposition de terrasses couvertes, organisation digne d’un cloître à étages, ou d’un théâtre élisabéthain. Et tout ce beau monde regarde quoi ? Des fleurs. Non pas de ces fleurs mièvres que l’on offre à la douzaine, mais de fleurs qui créent des champs, des paysages et qui ne s’apprécient qu’à l’hectare tel le tournesol ou le colza. Ici le bougainvillier s’amuse avec les vignes, les glycines et autres lianes. Il couvre tout le territoire intérieur dans un jeu de pergolas décalées. Le visiteur arrivé sous la pergola est accueilli dans le hall sous les treilles, va en congrès dans l’ombre ponctuée de soleil de nos plantes grimpantes. Par contre sa chambre est au-dessus de ce qui se révèle être un territoire planté et coloré. Elle est au calme avec cette vue sur un paysage presque aléatoire, agréable, où seuls quelques arbres viennent éloigner et cacher les vis-à-vis.
La chambre est aussi une terrasse, isolée de sa voisine par des murs de toile qui le soir deviennent des lampes, abat-jour plats et verticaux qui révèlent des thèmes colorés et différenciés.

 

L’accès aux chambres est une succession d’ambiances. En voiture le client arrive sous un « canopy » végétal, il est à la fois sous la pergola qui protège le hall et au-dessus de celle qui prolonge l’espace congrès. Le hall lui-même est un paysage sous un paysage. En grande partie sous la pergola, des jardins intérieurs s’y développent, caractérisant les différents restaurants, bars ou salons. Le hall est connecté au passage commercial qui va de l’avenue Belfiore à la rue Benedetto Marcello, et qui est évidemment une « petite rue » de Florence accessible à tous. L’accès aux circulations du dessus et du dessous s’effectue par escaliers ou ascenseurs. Nous entrons dans un monde blanc. Un monde de la matière épaisse, de la masse. Les murs et plafonds sont en plâtre sans peinture. Les sols en ciment lavé révèlent des agrégats clairs. Les circulations d’accès aux chambres sont périmétriques ; elles sont voûtées et rythmées de longues fenêtres horizontales de huit mètres de long qui sont entièrement dissimulées à l’extérieur par des plantes qui laissent tomber leurs feuilles et leurs fleurs. Ces plantes créent une sorte de vitrail végétal dont les ombres ornent le sol. Les chambres sont également blanches et l’ensemble recèle une dimension religieuse peut-être liée à la typologie du cloître, une dimension de sérénité.
Le dernier étage est la terrasse-toiture sur laquelle est située la piscine ainsi que des solariums publics et privés et une grande terrasse festive (congrès), l’ensemble étant ponctué de tentes publiques et privées.
Les chambres sont pour l’essentiel basées sur une succession de séquences rythmées par des rideaux amovibles, permettrant de vivre l’espace de différentes façons en fonction de sa culture ou de ses désirs.
Cette typologie fortement marquée est l’une des caractéristiques essentielles de l’architecture de l’hôtel. C’est aussi elle qui créera le désir de venir et de revenir.

 

 

Jean Nouvel