Stade de Genève

  • Genève, Suisse
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Spor(t)inox ou la machine à jouer

 

Construire un stade doit aujourd’hui être un acte symbolique.

Symbolique du souci de décrypter les valeurs d’une jeunesse inquiète, trop souvent incomprise pour qui sport, musique et rencontres sont des raisons de vivre.

Symbolique de l’attention portée à la revalorisation de territoires urbains à reconquérir.

En ce sens, il ne s’agit pas de construire uniquement un stade de plus dans le genre cendrier, soucoupe volante ou soupière, mais, de créer une architecture monumentale, festive donc ludique, attractive, accueillante, à l’image des arènes dans la ville classique. Cela passe par l’affirmation de l’échelle, de la fierté de la ville de posséder une arène moderne : une arène ne se cache pas, ne s’enterre pas ! Noble, le stade se donne à voir et donne à voir.

Il participe de la mythologie du sport, moderne il rend compte des esthétiques fabuleuses nées du sport dans ces dernières décennies. Esthétiques qui participent de cette mythologie. Les footballeurs et autres grands sportifs doivent être considérés comme des artistes : le propre de l’artiste et de l’art étant de générer sensations et émotions.

Un stade moderne, c’est l’absolu respect du joueur donc, des joies qu’il suscite.

L’aire de jeu est sacrée, la pelouse ensoleillée, arrosée, drainée et ventilée est l’objet de tous les soins.

 

Mais si construire un stade moderne est un acte symbolique, c’est aussi un acte caractérisé par le critère d’efficacité.

La première efficacité est sportive.

Le stade est le premier des supporters, il doit favoriser la victoire. « San Siro c’est la disposition idéale pour jouer au football. Pas d’anneau olympique ! Tu sens ton public en direct. Un terrain certainement hostile à tes adversaires. Pas d’échappatoire : le public est partout, devant toi, derrière, sur les côtés. Avec toi… ! » dit Gianni Rivera, footballeur de légende et parlementaire italien.

 

C’est, dans la scénographie de l’efficacité imposée pour le football, un stade rectangulaire, massif, raide, au plus près et, un stade toujours plein.

Pour fidéliser un large public dans un stade de 30 000 places (30 000 pour répondre à la norme d’accueil des matchs internationaux !), il faut aussi que ce soit souvent un stade de 6 000, 10 000 ou 20 000 spectateurs. Grâce à un système clair de réglage de jauge, le stade n’apparaît jamais comme mal rempli : le dessous des tribunes est doublé d’un profil réglable à base d’enrouleurs de sangles-filets-élastiques qui s’accrochent au sol des gradins.

La seconde efficacité, indissociable de la précédente, est l’efficacité économique. C’est la perfection et le confort du système des loges. Notre expérience pour l’étude du Grand Stade nous permet de proposer ce qui se fait de mieux au plan des services communs, du confort et de la souplesse. L’accès direct aux loges par ascenseur depuis des parkings situés en infrastructure est essentiel.

L’efficacité économique c’est aussi la publicité et son adaptation optimale à la télévision. Les lieux du public, aussi sont rythmés par les logos des grandes marques, le graphisme du sponsoring étant part intégrante de la mythologie du sport.

Enfin et surtout, l’efficacité économique c’est la multiplicité des usages complémentaires dans le stade et à l’extérieur du stade, à partir du projet mis en place.

L’attractivité programmative est le critère essentiel de l’efficacité économique.

 

Il s’agit de créer un stade vivant. De façon permanente en accueillant, autour d’activités commerciales liées à un grand magasin de sport une véritable maison du sport où les sportifs et, en particulier les jeunes peuvent venir se rencontrer et pratiquer différents sports sur le registre ludique. Une accumulation de lieux de gymnastique, de jeux de balle, dans un espace flexible et transparent doit créer une ambiance exceptionnelle en liaison avec un lieu central – articulé avec un grand cyber café – lieu d’images où, sur grand écrans, on vient voir ou revoir matchs et événements et où le soir on vient danser ou écouter de la musique. Cette vie permanente installée, il convient de pouvoir accueillir dans l’aire sportive le maximum d’événements, dans les meilleures conditions. D’où les 30 000 places et des options complémentaires, allant jusqu’à couvrir le stade, pour pouvoir garantir une programmation multiple et de qualité quel que soit le temps.

Nous proposons donc un outil à fonctions multiples, une sorte de Victorinox du sport, de spor(t)inox entièrement en acier inoxydable à l’extérieur. Jeu sur la présence- absence, sur la transparence (par perforation de l’acier inoxydable) le reflet joue sur la mise en scène des images publicitaires externes. C’est aussi un jeu avec l’environnement : l’autoroute et les arbres se reflètent dans un grand miroir incliné sur la façade principale.

Tout cela fait de la façon la plus simple : structure béton armé et peau métallique dans une logique quasi-industrielle, en transcendant la beauté de l’efficacité.

 

 

Jean Nouvel