Banque des Règlements Internationaux (BRI)

  • Bâle, Suisse
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Fragmentations, éclats et fractalités

 

La tour de la BIS est un bâtiment très particulier. Très daté. Actuellement le rapport de cette tour à son environnement immédiat n’est ni conflictuel ni harmonieux.

La question posée est difficile. Comment trouver une évidence dans le rapport d’une telle architecture aussi typée avec un nouvel environnement à constituer en deux ou trois phases ?

C’est un problème de paysage urbain et d’invention d’un caractère particulier en relation avec cet objet particulier.

La première décision à prendre est celle de la logique urbaine : nous sommes ici dans un système d’îlot, d’alignement urbain le long de rues. Faut-il le conserver ou non ?

Dans la mesure où la maîtrise du sol n’est pas assurée dans l’îlot concerné – puisque deux immeubles restent dans une première phase -, il est difficile de parier sur des décisions futures et aléatoires pour éclater l’îlot et proposer des immeubles isolés – une collection de petites tours dans un paysage, par exemple -.

Le choix est donc d’affirmer la présence des rues Heumattstrasse, Centralbahnstrasse et Gartenstrasse et d’approfondir un dialogue contextuel avec les immeubles voisins, la tour devenant une sorte de « donjon » entouré par des murs habités. Mais cette métaphore n’est pas défensive. Je souhaite au contraire provoquer le désir de rentrer, montrer l’intérieur au lieu de le cacher.

L’entre deux, l’espace interstitiel devient donc très important, car lui seul peut établir le lien entre le « donjon années 70 » et les « enceintes années 2000 ». A travers ces dernières, le visiteur lit un paysage dont l’image doit être assez forte pour changer celle de la tour.

 

Je propose un jeu sur la lumière et sur les vues, sur la géométrie et les interférences.

 

Depuis les bureaux de la tour la vue sur ce jardin doit renvoyer la lumière, la couleur du ciel et la conscience d’habiter un lieu unique.

Depuis les bureaux des nouveaux immeubles, l’image de la tour doit être adoucie par la présence du premier plan du jardin et la nature d’une façade qui ne se base pas sur l’absolue transparence, car rien n’est plus désagréable que de se sentir vu en permanence par du vis à vis qui vous surplombe.

 

Le concept est de créer, par la fragmentation des immeubles et des toitures des bâtiments périphériques, une recomposition en éclats d’un paysage qui est constitué d’une image inattendue et précise – la matrice serait une image mathématique, une fractale, un dragon de Mendelbrot dont la géométrie est en relation avec une certaine esthétique 70 capable de qualifier la tour BIS.

Les toitures-miroirs renvoient l’image du ciel et d’autres plans dans le prolongement de ces toitures donnent à voir la réflexion des images du jardin et des circulations intérieures. Le jardin est constitué de nombreux plans d’eau qui, eux aussi, renvoient la lumière du soleil, l’incertitude des ciels et les reflets de l’environnement.

Les façades intérieures des nouveaux immeubles sont des grilles aléatoires dans un mur semi réfléchissant. Les verres ont toujours le même module et la vision de l’intérieur est une vision tramée, un peu comme, jadis, derrière les petits-bois d’une fenêtre classique.

Le passant dans les rues Heumattstrasse, Centralbahnstrasse et Gartenstrasse voit en transparence en rez-de-chaussée, mais aussi par des failles entre les immeubles, les éclats du jardin et une végétation dont les couleurs et les essences l’intriguent. Il aperçoit, de plus loin, les toitures et auvents miroirs qui renvoient les images du ciel, du jardin et des immeubles. Décomposition Composition, fragmentation d’un paysage mystérieux.

Les façades sur les rues Heumattstrasse, Centralbahnstrasse et Gartenstrasse sont pour l’essentiel vitrées. Elles sont protégées par des pares–soleil et pare-vues en verre sérigraphié dont les orientations changent au gré des heures et des volontés des occupants des bureaux.

Dans un premier temps les immeubles Visana et Rex sont conservés. Mais le concept de l’enceinte fragile est déjà visible. Puis cette enceinte se substitue à ces immeubles et dans un troisième temps l’entrée de la banque est retraitée pour refermer l’îlot et pour donner une image plus vivante, plus accueillante que le volume plein actuel. Un grand auditorium – avec salles de réunions – largement éclairé serait créé. Quant à la tour elle-même nous proposons trois adaptations successives :

  • Renforcer la végétation des terrasses et des premiers étages en continuité avec le jardin
  • Créer un écran de protection solaire par lames de verres sérigraphiées orientables pour alléger le contraste avec les nouveaux immeubles
  • Retraiter les derniers étages pour les réceptions et salons particuliers dans un roof garden qui qualifiera aussi la silhouette de la tour.

 

A situation particulière, réponse particulière : seule l’hyper spécificité est capable de qualifier la relation de la tour au nouveau quartier donc de déterminer l’image de la BIS, et seule la modernité adapte cette image aux mutations du monde

 

 

Jean Nouvel