Centre de loisirs

  • Locarno, Suisse
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Le paysage est architecture. L’architecture est paysage

 

Quel incroyable site ! Quel fastueux programme ! Quelle piste d’envol pour une architecture de haut vol… Le site a de la grandeur. Au sens géographique et historique : il est habité par le souvenir sur la montagne d’Isadora Duncan et de Rudolph Steiner. Il est calme parce que calmé par tous les profils montagneux qui l’entourent au lointain, parce que pacifié par les grands arbres qui le longent en abritant de tranquilles pavillons, parce qu’aujourd’hui figé par le souvenir de son aérodrome.

 

Les premières volontés architecturales seront de cultiver ces sensations de grandeur et de calme. Développer pour ceux qui auront le privilège d’y vivre passagèrement, cette conscience du génie serein de ce lieu gardé par les monts.

 

Ces sensations viennent en grande partie de l’horizontalité parfaite, contraste absolu entre le relief et de l’affirmation de cette longue table. Je propose d’affirmer cette horizontalité et cette longueur et de créer une architecture-paysage qui tire sa noblesse de la mise en perspective de ces notions.

 

Ainsi le programme se déclinera sur l’axe de la piste d’envol du plus public au plus privé : parking, théâtre, casino, hôtel, méditation, thermes, piscine.

 

Je propose une architecture de terrasses. Héritière du croisement hasardeux d’un jardin à la française et d’un jardin à l’italienne. Terrasses entourées d’arbres en liberté, façon d’inviter dans cette rencontre helvétique le jardin anglais. La terrasse la plus haute sera celle du théâtre sur laquelle sera posée une toiture signal signifiant clairement à l’automobiliste de la voie rapide l’importance du nouveau complexe. Le théâtre se lisant comme un bastion de murs cyclopéens entourés d’arbres, bastion sur lequel s’appuient de hautes pergolas qui lient des jardins suspendus caractérisés par une haute cascade-mur d’eau. Ces jardins sont ceux du casino. Dans l’axe de la composition le casino, au sud domine une profonde perspective qui intègre le paysage du golf, avec les montagnes comme lointain. L’hôtel relié au casino par une place couverte déroule en profondeur ses chambres, restaurants et services. Le hall est une perspective qui joue sur l’effet d’une profondeur sans fin, rythmée par la lumière zénithale. Les chambres et suites sont spécifiées par le lieu. Latéralement, en rez-de-chaussée surélevé, à l’est, des chambres hautes type atelier d’artiste avec vue sur l’horizon montagneux mais aussi sur les traces de l’aérodrome, anciens hangars, vieux avions protégés…

 

En symétrie, à l’ouest, même typologie de chambres, mais avec l’appropriation de grands jardins privatifs en transition avec les maisons voisines.

 

A l’étage, de part et d’autre, des chambres avec terrasses ouvrent sur l’espace central, ces chambres bénéficient d’un jardin à la géométrie rigoureuse et imprévisible, fragment de labyrinthe.

 

Ouvrant sur l’est et l’ouest, les chambres cultivent le dialogue à distance avec les montagnes par une terrasse et une ouverture sur la totalité de l’angle supérieur du volume de chacune d’entre elles. Les suites sont des exceptions à découvrir, privilèges de terrasses et de jardins improbables.

 

Les restaurants occupent le dénivelé entre deux niveaux de terrasses dans l’axe de la composition avec vue sur les jardins de buis, de laurier et de rhododendrons des thermes.

 

Les thermes succession de salles vitrées dans des masses végétales prolongent latéralement la composition. Au sud la piscine, dans l’axe du paysage, sort d’une grotte moderne sous la forme d’un long rectangle, plan d’eau qui annonce, dans la continuité du golf, une évocation de l’ancien delta fait d’étangs aux formes libres et allongées.

 

Ainsi l’architecture devient territoire, le végétal matériau constructif, l’eau lien.

 

Et Ascona est marquée pour longtemps par ce croisement exceptionnel d’une architecture avec une histoire et une géographie.

 

 

Jean Nouvel