Le quartier de la Cathédrale

  • Chartres, France
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Il est des lieux d’exception

 

Touchés par la grâce. Marqués par l’histoire et le mystère : des lieux où l’on se demande pourquoi là ? Pourquoi est-ce arrivé là ? Chartres est évidemment de ceux-là.

Y construire aujourd’hui paraît incongru, inconvenant.

Y construire quoi ? Forcément, quelque chose à la gloire de. Quelque chose de l’ordre du commentaire ou de l’inutile explicitation.

Revenir là, pour y construire, c’est pour un architecte une mise en question de sa vocation. Qu’ai-je à dire ? Qu’ai-je à prouver ? Suis-je capable d’ajouter un mot à une telle histoire ? Ai-je vraiment une raison suffisante, une légitimité quelconque à proposer quoi que ce soit ? Faut-il réellement proposer puisque j’y suis incité ?

 

Alors commence la prétentieuse exploration d’un possible. L’analyse de l’exception. Et l’on va de surprises en surprises : la cathédrale s’est construite sur une ville gallo-romaine… La vie a toujours existé autour. Et normalement, naturellement, des gens ont vécu autour. Comme si elle protégeait de son aura et de son ombre ses alentours. Construire aujourd’hui, ici, un musée c’est de l’ordre du commentaire. De l’ordre de la déférence.

Peut-être pouvons-nous révéler plus directement quelques sensations gommées par l’Histoire. Aider à mieux voir et à mieux ressentir. Peut-être, peut-on ici aider notre mémoire…

 

La présence révélée par les fouilles archéologiques d’une ville gallo-romaine sous la ville médiévale est un événement poétique de première grandeur. Peu importe la qualité intrinsèque des traces de bâtiment mis à jour. Ce qui est essentiel, c’est le vertige du passé. La présence enfouie d’une architecture de ruines. Et les vestiges enfouis superposés par strates lisibles comme des plans volés au temps.

 

Le musée ne peut exister que comme une inscription en marge du livre déjà écrit. Focalisé sur le décryptage des signes dégagés. Inscription datée et précise. Utile à l’appréciation de la situation révélée.

 

Face à la cathédrale, au-delà de son parvis médiéval apparaissent les ruines, entourées de rues, de routes, d’écoles, de constructions triviales. Notre but est de favoriser la lecture des vestiges des siècles passés. En révélant par la modernité la distance temporelle qui nous sépare des jalons ici présents. Nous sommes ailleurs. Dans le présent et la fragilité de la naissance et de l’implantation précaire.

 

Nous proposons une architecture du constat, de la distance et du respect. Une architecture témoin de son époque et des autres. Une architecture autour de. Vouée à. Inscrite dans les épaisseurs inertes et les marges disponibles. Une architecture pour lire le spectacle d’une cathédrale, de sa ville et de leurs racines.

Autour du champ de fouilles, infiltrée dans les cours médiévales et les maisons canoniales, localisée en fonction des vues successives en contre plongée sur la façade et les flèches de Notre-Dame de Chartres. Une architecture qui utilise tous les moyens aujourd’hui existants pour mieux s’infiltrer, pour mieux s’inscrire, pour mieux décrypter. Une architecture a priori simple, normale, où seule devient suspecte une précision technique mise au service de la lumière, de la toiture-filtre qui trame la lecture de la cathédrale et qui, inversement, depuis les flèches de celle-ci, rythme légèrement la lecture des traces romaines et médiévales. C’est une simple couverture légère où le verre devient, par son opacité variable, écran de protection.

C’est un parcours entre terre et ciel, entre ombre et lumière, où sont choisis des angles de découverte et des points d’observation sur l’élan des flèches ou la galerie des rois.

C’est un écran à révélations variables. Trames de lumières blanches, jeu de composition décomposition, jeu de lumière abstrait en gris et blanc, complémentaire des éclats colorés, des verres denses et des personnages sacrés constituant les vitraux.

 

Ici la lumière est miracle. Lire la cathédrale de l’extérieur, par la lumière, dans la lumière naturelle, à contre-jour, en surimpression, c’est un hommage à la lumière qui vient des cieux. C’est un acte de foi.

 

 

Jean Nouvel