Extension du Musée national centre d’art Reina Sofía

  • Madrid, Espagne
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Dans l’ombre de « La Reina Sofía »

Dans l’ombre, oui, car il ne s’agirait pas de faire de l’ombre au musée lui-même. Il doit dominer. Clairement. La grande bâtisse austère « assiégée » par ses ascenseurs de verre est le lieu où sont protégés les chefs-d’œuvre de notre art récent. Elle doit imposer sa force avec simplicité et évidence. Et nous devons faire allégeance, exprimer notre respect et notre appartenance. Le musée s’étend. Son territoire s’agrandit. Il annexe une partie du quartier. Il ne souhaite pas le bousculer, le traumatiser, tout au plus l’adapter et évidemment le valoriser.

Mais ce n’est qu’un préalable, l’inscription de toute architecture contemporaine dans un site construit préexistant ne sera pleinement réussie que si elle contribue à valoriser ce qui l’entoure et si, en retour, elle tire sa valorisation de son entourage immédiat.

 

Je propose une intervention douce, naturelle. Le musée prend sous son aile un îlot triangulaire à l’ouest, trois ou quatre immeubles et quelques arbres : si ces immeubles changent, ils restent approximativement à la même place, le rapport n’est pas fondamentalement changé avec les architectures voisines, simplement ils vont dégager la façade ouest du musée. L’avant-corps de cette façade, doublé en acier, sera entouré de verre protégeant projecteurs et écrans. Cette petite tour de verre complète la petite famille de celles qui déjà ponctuent les autres façades du musée.

C’est une extension, le socle de pierre et de granit du musée est étendu au nouveau territoire et ce matériau est à nouveau étendu à l’ensemble des sols des salles d’expositions temporaires, de la bibliothèque, du restaurant et des bureaux.

 

Des bâtiments précédents, il reste symboliquement deux murs, pas pour leur beauté, plutôt pour affirmer le sens des mutations. L’essentiel des arbres est aussi conservé. Mais les trois nouveaux bâtiments mutants s’organisent autour d’une cour. Ils ont chacun un programme dominant. Au sud, le premier est celui de la bibliothèque, le deuxième, à l’ouest, est celui des rencontres – auditorium, salle du protocole, bar restaurant – le troisième, au nord, est celui des expositions temporaires, le seul en connexion directe avec le musée-mère. Ils s’arrêtent tous en terrasses. Terrasses publiques et terrasses de bureaux. La bibliothèque cherche la lumière et l’ombre, lumières zénithales diffusées par des coupoles suspendues en verres épais et travaillés, de grands vitrages sont rayés par des stores d’acier perforé au profil calligraphié, petits raffinements qui créent l’intimité et la qualité de lumière propice à l’étude.

 

L’auditorium et les salles de rencontres sont singularisés par leur forme héritée de la typologie scénographique. Écrin aux formes tendues et aux angles arrondis entouré de terrasses foyer.

 

Les expositions temporaires sur trois niveaux proposent des espaces variés et contrastés, faciles à utiliser de façon contrastée. C’est une polyvalence créée à partir de géométries différenciées où avec quelques cimaises d’orientation on peut changer complètement les circuits et les espaces. Un espace central très haut, un espace latéral très bas (pour les dessins, vidéos ou environnements), des murs doublés pour intégrer le matériel audiovisuel ou créer des profondeurs, une très grande salle éclairée zénithalement. Tout cela avec des possibilités d’ouverture sur la cour et des éclairages occultables sur les murs ou les plafonds…

 

Le public peut prolonger la visite par une promenade sur les terrasses et sous l’aile, sous le toit. Un toit précisément perforé pour amener la lumière naturelle dans la bibliothèque, les expositions et dans la cour. Une aile rouge brique légèrement brillante qui reflète de façon imprécise la façade du musée et les arbres. Une aile sous laquelle on découvre le ciel en reflets et en transparence, une aile unificatrice qui ne touche pas le musée mais s’arrête à moins d’un mètre pour laisser passer un rai lumineux, une aile dont la sous-face correspond exactement à l’entablement de l’avant-dernier étage du musée…

 

Pour s’étendre, le musée a déployé une aile, une aile légère de la couleur des toits, une aile protectrice et amicale pour mieux signifier au visiteur qu’il veille sur lui.

 

 

Jean Nouvel