Fondation Cognacq-Jay / Maison de retraite

  • Rueil-Malmaison, France
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Une discrète clarté

 

 

Cette architecture voudrait aider et s’effacer. Aider ceux qui vivent des heures difficiles, en suscitant quelques minuscules émotions positives, s’effacer pour ne pas trop questionner, ne pas provoquer et surtout ne pas déranger.

 

Eternel problème de l’architecture qui doit exister, émouvoir par moments, et laisser la vie se dérouler en elle sans imposer une prise de conscience permanente du lieu vécu.

 

Ici j’ai cherché la simplicité en accord avec une quotidienneté marquée par la conscience du temps qui coule. Il faut pouvoir ouvrir naturellement la fenêtre complètement ou l’entrouvrir. Il faut pouvoir s’inonder d’un franc soleil ou juste laisser passer un rayon. Selon le désir, le sentiment, la conscience. Il faut peut-être pouvoir se mettre au balcon quelques minutes, pour avoir l’impression d’être sorti. Il faut sûrement créer l’obscurité, celle de la recherche du repos et du sommeil libérateur.

 

Simplicité appelle familiarité. Comment « sauver » le caractère familier de l’hôpital qui existe aujourd’hui… en reprenant et développant les thèmes d’un jardin à vivre, potager, treilles, tables de jardin, serres, animaux… en gardant le principe de ces circulations intérieures, de largeurs différenciées, qui se dilatent en salons, en salles à manger, en offices d’infirmiers pour aller chercher la lumière du jour, en utilisant des matériaux familiers, le bois verni pour les menuiseries, les portes, les planchers… des symphonies de faux blancs sur les murs : blanc gris, blanc bleuté, coquille d’œuf, blanc rosé, blanc beige, blanc nacré… juste pour créer une légère différence d’une pièce à l’autre, pour ne pas affirmer le blanc de l’hôpital… Ce serait autant que possible, encore, une maison… comme aujourd’hui. Bien peu de choses… mais des choses sensibles… comme l’attention portée à la chapelle, à la bibliothèque et aussi à la noblesse des accès, à la dignité des chambres mortuaires.

 

Autant de petites attentions architecturales qui ne sont pas incompatibles avec une attitude qui, elle, est plus ambitieuse et qui essaye par tous les moyens d’utiliser au mieux le potentiel spatial du site.

 

Tout a été mis en œuvre pour agrandir le site et pour le clarifier. Pour développer une intériorité. Le jardin est optimisé dans ses dimensions, sa synergie avec les arbres voisins et sa façon de passer largement sous le bâtiment central. En été, les façades s’escamotent et le jardin est total du Nord au Sud. En hiver, la partie couverte se ferme et devient une « orangerie » avec différents lieux de rencontre. Les toitures deviennent terrasses. Les bâtiments rue Blomet et rue Millon sont couverts par un deck de teck protégé du vent par des verres de 2 mètres de hauteur. Entre ces bâtiments une cafétéria et une bibliothèque sur le même deck, s’ouvrent ou se ferment selon la saison.

 

Le rez-de-chaussée est haut percé pour créer depuis la rue Millon et la rue Blomet des profondeurs sur les arbres d’un jardin qui se laisse deviner mais jamais voir. Ce rez-de-chaussée se prolonge en profondeur par des cours anglaises plantées, ambiances protégées des restaurants et cuisines. Le bâtiment central, à tous les étages, s’ouvre en été, les couloirs deviennent terrasses par un jeu de verres coulissants…

 

Tout cela est un exercice de décantation, de libération des espaces et de discrètes mutations saisonnières, et temporelles. Les façades d’aluminium sont la simplicité même, volets accordéons, stores projetés orientables, garde-corps linéaires analogiques aux stores créent des rythmes horizontaux, de grands vitrages ouvrent sur des profondeurs. Sur le jardin, les stores projetés deviennent toiles blanches et les balcons de fins grillages.

 

Discrètes nuances d’un bâtiment qui veut attraper la lumière parisienne et simplement border un jardin ou une rue.

 

Discrètes clartés pour éclairer le plus légèrement les émotions des moments difficiles.

 

 

 

Jean Nouvel