Parc del Centre del Poblenou

  • Barcelone, Espagne
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Éloge de l’ombre

 

L’ombre, conséquence du soleil est son amie. Elle s’apprécie à l’aune de l’intensité des rayons qui dardent le promeneur, par contraste. Elle devient terre d’asile, propice à la promenade, à la quiétude, à la lecture, aux dialogues complices et aux jeux non violents de l’enfant sur la balancelle, aux familles qui se perdent dans le labyrinthe du joueur de boule ou joueur d’échec.

 

Le parc Poble Nou est écrit avec le vocabulaire des ombres, des ombres tamisées, ponctuées de semis, d’étincelles solaires, aux ombres portées noires des murs qui affirment le dessin géométrique de leurs frontières des ombres déchiquetées et mouvantes autour des trouées dans les arbres aux ombres quadrillées sous les tressages de lianes, des ombres luisantes sur l’eau aux ombres profondes et mates d’un le lointain, d’un sous bois.

 

Le parc Poble Nou est composé comme une architecture de pierre avec ses voûtes, ses plafonds, ses salles hypostyles, ses coupoles, ses murs, ses terrasses, mais la matière est vibrante, verte ou colorée, naturelle et contrôlée. Cette architecture demande le calme, le silence.

 

Pour cela chacun des quatre îlots qui composent le jardin est entouré par des murs recouverts de végétation. A l’extérieur des bougainvilliers épais et haut masquent l’enceinte et marquent l’appartenance du jardin au paysage de la Diagonale. A l’intérieur des murs recouvert de lierre, de vigne vierge, d’ampélopsis émane un sentiment de protection. Ces murs protègent pour l’essentiel des saules, des saules pleureurs régulièrement implantés sur une trame mathématique de douze mètres, six mètres ou trois mètres. Ils occupent les deux tiers de la surface totale du jardin. Leurs branches sont souvent liées pour créer voûtes et coupoles végétales. Leur base est peinte en blanc pour la protéger mais surtout pour la marquer, pour créer une horizontale qui traverse le jardin. Ils sont tantôt à feuilles persistantes, tantôt à feuilles caduques pour aller chercher le soleil d’hiver à travers les ombres des branches.

 

Ces arbres sont la matière, le module de l’architecture du jardin. Assemblés, ils créent des péristyles autour de chacune des entités, ils créent des plafonds bas ou hauts rythmés par l’alignement inexorable des poteaux-troncs, ils entourent et provoquent une grande place d’une cascade végétale monumentale et circulaire, ils s’assemblent pour générer une coupole à oculus central abritant une île de buissons fleuris accentué par quatre ponts, ils suspendent leurs branches qui traînent jusqu’au sol pour créer une pluie végétale pénétrable digne de Soto, ils alignent des voûtes successives épaisses et persistantes pour abriter des plantes d’ombres de fougères géantes des tapis de lierre, ils cachent des surprises : des arbres colorés plantés sur de savantes inclinaisons pour créer des « bouquets » : des murs tapissés de fleurs aux salles aquatiques, salons de tables et de chaises, au labyrinthe du Minotaure, enfin ils accueillent en leur sein des « nids » des puits du ciel, des cabanes tressées…

 

Tous ces thèmes poétiques et symboliques pour mieux répondre aux désirs et aux habitudes des visiteurs de tous âges : place pour danser la sardane, jeux de boules, jeux d’enfants, lieux de recueillement, longues promenades… et pour que notre temps apporte son arbre à l’art éternel des jardins.

 

 

Jean Nouvel