Projet d’aménagement urbain de l’Île Seguin

  • Boulogne-Billancourt, France
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De l’île industrielle à l’île industrieuse

Le progrès social… l’évolution des conditions de vie… la prise en compte des loisirs pour un meilleur travail. L’île Seguin a été, au siècle précédent, le lieu symbole du changement des conditions de vie pour la majorité des Français. Cette vocation pourrait être prolongée au XXIᵉ siècle si l’île Seguin devenait le premier lieu urbain parisien à mettre en œuvre les conditions responsables et durables qui doivent logiquement, politiquement s’imposer pour développer une métropole qui associe les plaisirs de la nature et ceux de l’urbanité en respectant les accords de Kyoto donc en protégeant les jeunes et futures générations.

 

L’île Seguin témoigne d’une série de tergiversations, de décisions contradictoires. Le moment est venu de positionner le fait que l’avenir, heureusement, n’est pas complètement compromis. L’option de la transformation des structures industrielles est malheureusement caduque, il est toujours temps d’être exemplaire et courageux à partir d’un site historique. Intégrons sur l’île Seguin les attitudes intelligentes déjà débusquées depuis quelques années, mises en évidence par les études sur le Grand Paris, montrons l’exemple de ce que doit être un éco-quartier qui, à l’échelle de l’île, sera vraiment une petite ville dans la ville, une éco-cité, parfaitement indentifiable, lisible dans ses différentes silhouettes se reflétant dans la Seine.

 

Quel serait le sens du Grand Paris si, sur un tel site, les engagements du discours présidentiel du 29 avril 2009 à la Cité de l’architecture n’étaient pas le socle de nos propositions ? Quel serait le sens du refus, par le Maire de Boulogne, d’un précédent plan incohérent et sans ambition ? Servons-nous du temps passé, de la progression des consciences de nos concitoyens vis-à-vis de la gravité de la question écologique, dynamique clairement confirmée par les élections européennes, pour proposer un projet en relation avec ces aspirations.
Ceci veut dire que l’île Seguin n’est pas à lotir, à découper en lot où chaque promoteur et son architecte proposent un projet autonome et orphelin.

 

Nous savons depuis déjà trop longtemps qu’il nous est impossible de construire de grands quartiers ou de grands centres ex nihilo sur une tabula rasa.
Nous savons qu’il faut d’abord définir un vrai programme urbain, complexe, équilibré, qui garantisse la vie et son expression libre à toutes les heures, mais nous avons souvent eu la preuve que, si nous ne prévoyons pas les typologies et les morphologies à cette échelle, nous courrons vers un lieu sans âme, sans racine, sans synergie, sans complexité, un lieu sans mystère. La profondeur est une dimension qui se prémédite. Le casting est plus important que pour les superproductions hollywoodiennes car ses conséquences durent un peu plus de deux heures. Il faudra travailler par scénarios entre responsable de la stratégie urbaine, élus, architectes et consultants de tous horizons en fonction des hypothèses et des risques. C’est la pertinence de la stratégie retenue qui créera la valeur et l’attractivité. C’est la dimension humaniste et paysagère qui révélera aux Boulonnais le bien fondé d’une ambition légitime.

 

Nous sommes conscients de la situation d’aujourd’hui et de l’absolue nécessité de prolonger de nombreux points établis lors de l’étude de faisabilité de 2001 :
– La mémoire de l’île bâtie sur son socle, une façade réinterprétée, rythmée par des cadrages sur l’eau, sur les rives ou d’une rive à l’autre.
– La mise en évidence du rapport à l’eau avec la promenade des rives. L’intériorité et le mystère, la surprise qui lui est attachée avec le grand jardin de l’île.
– L’importance de l’inscription de l’île dans le paysage, sa silhouette, le paysage de l’île dans le paysage de Boulogne, Meudon, Saint-Cloud…
Mais, aussi, ouvrir au public les vues depuis l’île sur Paris, Boulogne et les forêts voisines, car l’île doit être une destination vivante, attractive, programmée aussi bien culturellement – spectacles, musiques, expositions – que commercialement par les boutiques des créateurs de mode, les bars, les restaurants, les galeries. L’île doit être habitée par ceux qui y travaillent, qui y passent mais y restent : hôtels…, ou qui y vivent : ateliers d’artistes, logements d’étudiants et différents types de logements à doser et choisir. Si un grand jardin central doit occuper en grande partie la place urbaine centrale – cette place sera l’un des micro-climats de l’île sous une grande serre ouvrable utilisant l’énergie solaire – passive et active. Le jardin se prolongera par d’immenses terrasses, plus grandes que les immeubles qui les supportent, largement plantées et accompagnées de fonctions profitant des vues de jour et de nuit : fitness, restaurants, rencontres…

 

La mise en œuvre des énergies renouvelables commencera par l’énergie solaire : de grandes nappes véritables « champs » de panneaux solaires, couvriront pour l’essentiel les espaces culturels et partiellement quelques terrasses. Seront explorés les systèmes d’échanges thermiques avec l’eau et la géothermie.
Le PLU actuel est évidemment conduit à évoluer, mais la première étape d’étude utilisera une large partie des surfaces légalement constructibles pour ne rien retarder. La préfiguration du jardin est également une idée à réaliser le plus rapidement possible avec Michel Desvigne, les actuels architectes de l’enveloppe adapteront leurs études aux évolutions du projet.

 

Les études écologiques seront de nature à préciser la densité. Du point de vue du développement durable si l’île est desservie par ARC, le métro parisien et les tramways, il est souhaitable de positionner à proximité des gares les activités qui seraient de nature à réduire les déplacements.
Seule l’étude écologique à l’échelle du Grand Paris nous permettra de connaître les chiffres. La réalité de la construction d’un grand éco-quartier conduit à des évaluations de coût intégrant la notion de coût global (coût de construction + coût de gestion + coût social). Cette notion vitale pour atteindre les objectifs durables permettra d’une part, de situer l’équilibre financier de l’opération, d’autre part, d’intéresser les développeurs et les acquéreurs.

 

Cette démarche à la fois pragmatique, ambitieuse mais réaliste veut permettre à tous les responsables politiques, administratifs, culturels et techniques de pouvoir revendiquer clairement et fièrement des objectifs et des stratégies en accord avec la situation historique.

 

 

Jean Nouvel