Serpentine Gallery – Le Pavillon du soleil rouge

  • Londres, Royaume-Uni
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Le Pavillon du soleil rouge

 

Quel pavillon d’été pour la Serpentine ?
Par où commencer ? Comment se mettre en mouvement ?
En ouvrant les yeux… Où suis-je ?
En Angleterre. À Londres. Dans Hyde Park : une haute spécificité de l’espace urbain anglais. Les parcs à l’anglaise. Naturalistes, les fameuses pelouses accueillantes pour tous – en fait des prés, de l’herbe, régulièrement tondue. Tout cela presque plat, avec des arbres, des buissons plutôt dispersés de façon aléatoire comme si personne n’y avait pensé, comme s’ils avaient toujours été là. On sent la ville autour comme si elle aussi avait toujours été là. Les feuilles sont pour l’essentiel caduques. Les saisons sont révélées sans ambiguïté. De temps à autre, dans cet immense calme urbain vient une construction, une route, un chemin, plus rarement un petit étang, un cours d’eau…

 

On se demande pourquoi des parcs urbains aussi simples, ces vacuités immenses sont si rares dans les autres pays. C’est difficile de faire semblant de ne rien faire… de laisser libre, ouvert… un immense espace de la liberté pour tous… quelle énergie a-t-il fallu pour le protéger ! Quel soin permanent pour l’entretenir, pour que simplement l’herbe soit à la bonne hauteur, que les arbres soient en parfaite santé, pour que chacun puisse se promener dans un lieu serein avec ce sentiment d’être chez soi, dans sa ville, dans son parc, naturellement. Pour que, quel que soit mon état d’esprit, mon désir d’extériorité en solitaire, en couple, en famille, entre amis, quel que soit mon âge, l’hypothèse de passer quelques minutes, quelques heures à Hyde Park reste une sereine tentation.

 

Oui, ici s’exprime la liberté de choisir de profiter d’une harmonie héritée entre la maison protégée et la ville protectrice. Ici on marche, on court, on s’assied par terre, sur un banc, on lit, on pense, on parle, on chante, on joue, on partage avec ses amis ses hobbies… visiblement ici on a ses habitudes… Quotidiennes ? Hebdomadaires ? Saisonnières sûrement… j’aimerais que le pavillon d’été de la Serpentine rencontre les habitudes des londoniens de Hyde Park, qu’il ne les perturbe pas, que simplement il les sollicite, qu’il s’offre comme une expérience complémentaire, non obligatoire. Ce serait bien si la curiosité un peu aiguisée et le désir de la découverte de sensations estivales se répandaient naturellement à partir des conversations de tous les jours.
Quand suis-je ? En été. Les arbres sont feuillus, denses, verts. Certains buissons sont fleuris. Les pelouses sont habitées de flâneurs, de paresseux, de sportifs, de joueurs. La galerie Serpentine et sa grande exposition Wolfgang Tillmans est plus visitée que jamais. Son pavillon d’été va s’ouvrir… j’ai encore du mal à le percevoir, je le devine, il complète le tableau. Ici aussi, herbes et feuilles sont vertes, les fleurs s’invitent, les Londoniens y traînent, boivent des coups, à l’ombre ils jouent, ils s’allongent dans l’herbe. L’été les couleurs s’installent, se densifient. Les verts bien sûr mais aussi les fleurs éclatent. Le pavillon d’été est éclatant. Il fête l’été. Il pousse le contraste à l’extrême. Il est complémentaire. Complémentaire du parc, du pavillon de brique de la Serpentine. Il est rouge. Il est saisonnier.

 

Rouge, c’est la chaleur de l’été. C’est la couleur complémentaire du vert.
Rouge, c’est vif, c’est-à-dire vivant, perçant.
Rouge, c’est provocant, interdit, voyant.
Rouge, c’est anglais, comme une rose rouge, comme les objets londoniens que l’on doit repérer : un bus à étage ou une vieille cabine téléphonique, comme ces lieux transitoires vers lesquels on doit aller.
Le rouge ne dure pas, la chaleur va disparaître avec l’été, le vif s’épuise vers l’inerte, la mort, la rose perd ses pétales et si le rouge c’est le soleil, c’est le soleil aux heures fugaces et enflammées de l’aube et du crépuscule, quand il apparaît et quand il disparaît. Le rouge est la couleur de la passion, cet état amoureux qui jamais ne s’éternise, fragile. C’est pourquoi on le cultive, on l’attise comme une flamme, on le protège, on le prolonge.
Le pavillon d’été de la Serpentine, cette année 2010, met le rouge pour célébrer l’été et son astre éblouissant et brûlant : le soleil.
La raison d’être du pavillon est d’accueillir l’été et le soleil, pour mieux jouer avec lui.

 

 

 

Jean Nouvel