MAXXI – Musée national des arts du XXIᵉ siècle

  • Rome, Italie
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 C’est juste une architecture romaine d’aujourd’hui

 

En architecture, je ne crois qu’aux particularités en relation avec une histoire et une situation. A Rome comme ailleurs. Mais, à Rome, il y a trop d’histoire, trop de situations. Aussi faut-il sûrement éviter toute architecture de simple accompagnement, celle que l’on commet en s’excusant de construire quand on ne se sent pas indispensable.

Et en ce lieu si riche de jalons, il vaut mieux se dispenser de l’incongruité créatrice, de celle qui fait dire, avec un petit sourire : c’est original !

Exister avec calme, naturel et santé dans Rome. Voilà ce que je vais essayer de proposer.

 

Le site, s’il est bien situé dans la ville, est actuellement très banalisé. J’écarte, après analyse, la possibilité de proposer le Centre pour l’Art Contemporain de Rome dans les locaux industriels existants. Parce que ce support n’est vraiment pas assez fort.

Cette voie de réutilisation est pourtant d’actualité, souvent pertinente. Mais, en relation avec les grands exemples – les derniers étant américains et anglais – sur de telles bases Rome serait le parent pauvre. Par ailleurs, le poids de l’histoire a souvent inhibé les architectes romains de ce siècle. Alors ici non, les vieilles pierres sont trop légères ! le Centre pour l’Art Contemporain de Rome mérite mieux que quelques sheds à réhabiliter.

 

Je propose de conserver uniquement le bâtiment B comme encrage dans le site car son frère jumeau est actuellement chez le voisin. A eux deux ces bâtiments bornent notre site et permettent d’objectiver une implantation de l’entrée principale sur la Via Guido Reni.

 

La forme et l’échelle du site sont de vrais atouts.

270 mètres de long sur la Via Masaccio ! Avec en plus la possibilité d’utiliser plus tard un large parvis entre le Viale Pinturicchio et la Via L. Poletti.

La plus grande dimension d’un site est toujours à exploiter. Elle donne une mesure de l’espace à vivre. Plus qu’une intégration, il nous faut trouver, révéler ici la poétique d’une situation.

« La poésie est une métaphysique instantanée » disait Bachelard. L’architecture aussi. À Rome, cette poésie, je la trouve dans la pierre blanche des places et des terrasses, ces terrasses de soleil et d’ombre, d’ombres de pins parasol, de toiles tendues et d’arbustes en pot. Rome, c’est cette superposition d’espaces publics et privés.

 

J’imagine donc la plus grande dimension de notre site en terrasse. En terrasse à vivre : avec des ateliers, des petites maisons, des restaurants, des bars…

J’imagine ce sol romain, ce support de pierres blanches à l’ombre des pins parasol ou des palmiers, des arbustes et des toiles.

J’imagine le musée comme une superposition de places, de terrasses couvertes et découvertes.

J’imagine que sur ces places et terrasses on est venu poser des petites constructions, des meubles, des végétaux. La vie s’y organise. C’est l’essence de la ville. Une petite ville dans la grande ville. De ces terrasses je vois le ciel, l’horizon, les monts Mario et Villa Glori… Des murs d’aluminium et de marbre fin légèrement translucide délimitent le territoire.

La plus grande ambiguïté réside dans la transition entre l’extérieur et l’intérieur. Les vitrages se font oublier. Ils sont en verre ultra clair. Ces verres sont protégés par des stores à lames. Ces lames sont translucides en fine plaque de marbre blanc. Les mécanismes sont aussi blancs, en aluminium pré-oxydé.

 

De la rue, je vois au rez-de-chaussée une succession de volumes posés sur le sol de pierre blanche. Au premier étage je devine un système analogue, mais d’une géométrie différente et plus complexe. Et, en terrasse, je vois aussi de petites maisons posées sur le toit. En aluminium, elles brillent sous le soleil.

 

C’est la relation de cette implantation aléatoire à un support géométrique clair qui créé le sentiment d’un intérieur-extérieur.

 

Au rez-de-chaussée, l’entrée par la rue Guido Reni se fait sous un grand auvent. Tout est ouvert, et, dessous, à l’ombre, différents petits bâtiments autonomes, bars, librairies, commerces, billetteries etc.… s’organisent autour d’un passage couvert par lequel je peux rejoindre la Viale Masaccio. Depuis le Viale Pinturicchio, un vaste parvis de pierres blanches est le support de sculptures et d’animations diverses. Il est bordé en fond par un mur de marbre translucide et les terrasses du musée. Sur la vie Guido Reni et sur le parvis, deux grandes plaques recto verso de plus de 20 mètres de haut, servent de signal et de support aux différentes programmations.

 

Le musée lui-même est une analogie urbaine. Les trois secteurs ont des géométries différentes. Elles seront affinées avec les conservateurs pour déterminer trois espèces d’espaces, en relation avec le mode de classification et de présentation retenus. Tout est conçu pour avoir beaucoup de murs, des salles fermées et d’autres ouvertes, des variations d’espaces, des contrastes et des enchaînements. Au dessus, les terrasses s’organisent autour des puits de lumière du musée, elles se veulent représentatives d’une urbanité romaine.

 

C’est juste une architecture romaine d’aujourd’hui.

 

 

 

Jean Nouvel