Hôtel de la région Piémont

  • Turin, Italie
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Pour une image démocratique de la monumentalité ou un symbole d’aujourd’hui de l’identité du territoire

 

L’option de créer une tour de 100 mètres de hauteur au bout d’une prospective d’échelle kilométrique est une option forte mais dangereuse.

 

Il est tentant d’édifier là l’objet symbolique du pouvoir dans la tradition historique la plus autoritaire et totalitaire : l’affirmation du monument dans la caricature renvoie aux exemples qui symbolisent l’architecture antidémocratique.

 

Nous avons tous dans nos mémoires les images staliniennes et fascistes :

  • Bâtiments lourds de pierre ou de granite implantés sur une large base carrée ou orthogonale avec des hautes portes des escaliers majestueuses,
  • Architectures qui portent par ses proportions et ses décors le signe d’une ambition qui défie l’éternité.

 

L’histoire a trop d’exemples de cette nature.

 

Heureusement, notre époque veut être différente.

 

Je récuse ce vocabulaire : je prends les signes opposés à cette sémantique.

 

Par contre, je considère positive dans le skyline turinois qu’un bâtiment symbole du pouvoir démocratique régional deviens le signe le plus forte pour rééquilibrer l’impact de la Mole Antonelliana, impact surdimensionné par rapport à son programme.

 

Je joue donc avec l’échelle proposée et j’assume pleinement l’impact du signe puisque, ici, le visible devient automatiquement de l’hypervisible.

 

 

Un autre danger serait que cette tour devienne une simple architecture fonctionnelle de bureaux, plus grand que les autres : elle deviendrait alors un symbole évident de technocratie et de manque d’identité de l’institution régionale.

À l’opposé de tout cela, je propose un objet encré qui sort du sol, une architecture attractive parce qu’en peu mystérieuse, une architecture pas tout à fait symétrique, avec une base plus étroite que le sommet, une architecture de couleur brique « comme beaucoup de constructions piémontaises » qui change complètement de silhouette selon les perspectives.

 

De loin, de l’avenue Mediterraneo, elle est étroite, haute, avec un contour en peu incertain telle qu’un immense menhir, depuis la rue Rivalta un profil galbé sort de l’alignement, enfin, quand on tourne autour de la tour la silhouette est changeante, énigmatique.

 

De près ; pas d’emmarchement, un sol très légèrement modulé, des portes larges basses et vitrées comme incitation à rentrer, une transparence sur le hall et les ascenseurs.

 

La matérialité de la tour est légère, mélange de lames tramées couleur brique et de verre.

 

Les angles arrondis sont transparents, les trames créent par endroit des légers mirages.

 

Par moment, les verres deviennent couleurs brique.

 

L’immeuble crée un monolithe de verre entouré de dentelle de brique, matière insoupçonnable dans une vision lointaine ou seule la couleur est perceptible.

 

Le hall, de proportion horizontale, est un espace d’accueil et d’orientation d’où l’on peut voir les voitures en contrebas dans un parking visiteurs architecturé comme une extension du hall.

 

Une cafétéria située dans la proue le prolonge dans une dimension d’urbanité et d’humanité.

 

Les ascenseurs vitrés sur la façade sud, immédiatement identifiables, incitent à l’ascension et à la découverte du panorama.

 

À l’étage, un grand salon d’attente avec vue démontre le respect du visiteur.

Le couloir de distribution des bureaux tourne autour d’un vide central, baigné de lumière naturel et traversé d’un jardin vertical organisé sur un mur incliné avec la technique des plantes hors sol.

 

Les bureaux ont des placards complètement vitrés protégés par les stores métalliques en brique mat dont l’orientation permet à la fois de recevoir le soleil d’avoir la vue sur l’horizon et d’observer le sol.

 

Les bureaux des assesseurs, sur double hauteur, bénéficient de la vue panoramique sur l’axe de Corso Mediterraneo.

 

Les étages les plus élevées sont démocratiquement réservés aux salles de congrès, de réunion, de réception, complétées par un restaurant panoramique.

 

Tout est basé sur le plaisir de travailler ici et le privilège d’y être accueilli.

 

Une autre image pour une institution démocratique, celle de la modernité de l’aube de ce siècle.

 

 

 

Jean Nouvel